Paul Ardenne

Apologie du Dragster

L'espace temps intense

20.00

Passer de l’immobilité à la plus rapide possible des mobilités : cette obsession humaine est immémoriale. De tout temps les humains ont cherché à se mouvoir le plus vite possible, à quitter le statut d’êtres immobiles, posés là quelque part à la surface du monde, pour conquérir celui d’êtres mouvants, en déplacement – un déplacement autant que faire se peut exceptionnel par sa vitesse, par la distance parcourue en un éclair, par la capacité à faire valoir l’espace contre le temps et le temps contre l’espace.

Le dragster, dans cette entreprise anthropologique, est le vecteur par excellence approprié. Qu’il compte deux, trois ou quatre roues, cet engin mécanique né avec le XXe siècle est conçu pour l’accélération et pour elle seule. Le dragster, ce sont des prises de vitesse insensées, un parcours sur piste, en ligne droite, réduit au minimum (quelques centaines de mètres tout au plus) et, pour son pilote, des sensations à la fois brutales et complexes. Brutales, car le corps du dragsté­riste, lors du « run », peut encaisser en quelques secondes 7 G – sept fois la charge de son propre poids – ou plus encore. Complexes, car la compétition dragstérienne vise cet objec­tif aussi héroïque qu’absurde, annuler le temps écoulé en ne gardant que l’espace conquis.

Challenge problématique d’office et quête d’un absolu inac­cessible. Le dragstériste ? Il touchera au bonheur quand le drag strip sur lequel il élance sa machine aura été parcouru, comme le dit la formule, « en un rien de temps », dans l’abolition de toute durée, pour le plus grand triomphe de l’intensité.

 

Voir article dans Libération : http://sexes.blogs.liberation.fr/2020/10/19/les-femmes-dominent-le-sport-le-plus-rapide-du-monde/?fbclid=IwAR2WMjwBBVmLQh9wx38TCEg9dWesXGqDM-bUTC6PHzVrMiDdf32jMtU52W4

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